Publié le 09 novembre 2020 à 13h30 © Prod Dans Au-dessus des nuages », diffusé ce soir sur TF1, Alice Taglioni incarne Dorine Bourneton, une Française qui à l’âge de 16 ans, se crashe dans un petit avion, une passion de l’air qu’elle tenait de son père. Elle se réveille à l’hôpital, où on lui annonce qu’elle a perdu l’usage de ses jambes. Vingt ans plus tard, Dorine Bourneton s’est reconstruite et aujourd’hui, elle pilote des avions et fait de la voltige. Rencontre. Par Elodie Petit ELLE. Quand on a 16 ans et qu’on nous annonce qu’on ne marchera plus jamais, que se passe-t-il dans sa tête ? Dorine Bourneton. On se dit que tout s’écroule. On fait la liste interminable de tout ce qu’on ne pourra plus jamais faire, et elle est infinie ! On a envie de mourir, on se dit qu’on n’y arrivera jamais, que c’est une épreuve trop douloureuse. Vous perdez votre liberté, vous allez être prisonnier de votre fauteuil. En m’installant sur mon fauteuil, j’ai pris soixante-dix ans d’un Comment avez-vous surmonté ces sentiments ?Dorine Bourneton. Deux choses m’ont aidée. Les infirmières laissaient la porte de ma chambre d’hôpital ouverte. Un jour, j’ai entendu deux jeunes garçons qui rigolaient, ils faisaient la course dans le couloir, un en fauteuil manuel, l’autre dans un fauteuil avec un joystick. J’ai été attirée par leurs rires, j’ai ressenti leur joie communicative, elle m’apaisait. J’ai compris que c’est par la joie que j’allais me reconstruire. La seconde, sur les murs de ma chambre d’hôpital, j’avais collé des posters d’avion et je m’évadais par le rêve, ça m’a donné de la force et du Comment envisage-t-on le futur quand on a 16 ans et que l’on est paraplégique ?Dorine Bourneton. Au début, on est anéanti de douleur, on n’a pas les mots, on se dit que personne ne pourra comprendre ce que l’on ressent. Ensuite, de la colère. Pourquoi moi ? Cette colère, si vous ne la transformez pas, elle va vous ronger. Moi, je l’ai transformée en courage, celui de remonter aux commandes d’un avion. Je me suis replongée dans les récits d’aviation, j’ai lu l’histoire des femmes pionnières, ceux qui ont risqué leur vie pour tracer les premières lignes aériennes. Les médecins mont demandé ce que je voulais faire de ma vie, j’ai répondu simplement que je voulais être pilote. Ils m’ont dit que ce ne serait pas possible, qu’il faut des jambes pour la gouverne de direction. Eux, leur truc, c’est la médecine, ils n’y connaissent rien à l’aviation. Mon père m’a dit Si on peut adapter les voitures avec des commandes manuelles, on doit pouvoir équiper des avions. Et on ne ne peut pas, on va l’inventer ! » Il m’a soutenue dans cette démarche. On a fait le tour des meetings aériens, on se renseignait, et il existait bien des avions pour des pilotes handicapés, avec un aéroclub à Toulouse. Il a fallu que je passe mon permis de conduire pour déménager à Toulouse. Là -bas a eu lieu ma Comment vous êtes-vous réapproprié votre corps ?Dorine Bourneton. Cela a pris des années. Avant, je négligeais mes pieds, je pouvais me blesser, me brûler, tout ce qui était en dessous des genoux ne m’appartenait plus, ça m’était étranger. Aujourd’hui encore, je suis très complexée, je n’ose pas montrer mes jambes. Mais désormais j’en prends soin, je mets de la crème tous les jours, elles sont belles, mais je les cache. C’est à nous, personnes handicapées, de changer notre regard sur notre propre corps, à avoir confiance en nous. Handicap ou pas, quand on a confiance en soi, on attire les Certaines sensations du corps vous manquent ?Dorine Bourneton. J’adorais marcher pieds nus, sentir l’herbe ou le sable. J’en ai encore le souvenir et le plaisir revient, mais ça s’est envolé. Quand on est paraplégique, c’est aussi beaucoup plus compliqué d’avoir un orgasme, quasi impossible même, mais pour autant, je suis arrivée à éprouver un plaisir que je n’aurais jamais cru possible. J’ai aussi retrouvé une forme de bien-être grâce au yoga. Comme on ne sent plus ses jambes, on a l’impression de flotter, ce sentiment vous empêche de fixer vos idées et vos pensées, de vous concentrer. J’ai des pertes de mémoire fréquentes. Avec le yoga, j’arrive à retrouver la sensation physique d’avoir les pieds sur terre, d’avoir le contact avec le D’où vous vient cette passion pour l’aviation ?Dorine Bourneton. Mon père était chauffeur de taxi ambulancier, mais son rêve éait de piloter un avion. Il a mis de l’argent de côté, et un jour, il s’est lancé. Un jour, il a demandé à mon frère s’il voulait piloter, mais il lui a répondu qu’il n’avait pas assez confiance en lui. Moi, je n’étais pas conviée dans la conversation, mais je m’y suis invitée, je m’en sentais capable. J’avais 8 ou 9 ans. Je rêvais d’une vie d’aventure, dans le dépassement de soi. Après l’accident, quand j’ai voulu repiloter des avions, mon père était très fier, mais ma mère était catastrophée, elle me disait Tu veux te crasher une deuxième fois ? ».ELLE. Que ressentez-vous dans les airs que vous ne ressentez pas sur terre ?Dorine Bourneton. Aux commandes d’un avion, j’ai l’impression d’être libre, de glisser, de danser. Et surtout, j’ai l’impression d’être aux commandes de ma vie et de mon destin, je commande cette machine complexe, ça me donne confiance en moi, ça me reconstruit de l’intérieur. Je ressens de la joie et de la fierté, chose que je n’éprouve pas dans la rue, sur un trottoir qui peut me paraitre difficilement franchissable, où je suis vulnérable. Avec la voltige, on s’entraîne au dépassement de soi, on sort de sa zone de confort. Là , je viens d’accepter un poste au sein d’une banque, je vais être responsable d’une mission handicap, alors que je n’ai pas particulièrement les compétences pour le faire. Mais c’est grâce à mes entraînements dans les airs que j’ai trouvé la force de prendre ce genre de Vous vous êtes engagée pour faire changer la loi…Dorine Bourneton. Pendant des années, j’étais porte-parole des pilotes handicapés. Je me suis battue pour changer la réglementation, pour leur permettre d’être pilotes professionnels ou de voltige. Il a fallu changer la loi en 2003, mais je n’y serai pas arrivée seule, j’ai été bien entourée de gens qui m’ont appris le langage politique pour argumenter le dossier. C’était une victoire collective. Notamment grâce à Brigitte Révellin-Falcoz, une des premières pilotes de ligne en France, elle était dans le tout premier équipage 100% féminin en 1982, sur Air Inter. Elle avait subi du sexisme, on lui avait dit Jamais on ne laisserait une femme aux commandes d’un avion de ligne ! »ELLE. Vous avez subi ce sexisme ?Dorine Bourneton. Etre femme et handicapée, je cumule ! C’était ardu, on m’a humiliée, j’ai tellement mal vécu ça que je laissais Guillaume, mon meilleur ami, pilote handicapé, prendre la parole à ma place. J’avais peur de prendre la parole en public. Parfois, ma parole n’avait aucun crédit. Alors je lui soufflais des idées et il les défendait à mes Aujourd’hui, avez-vous l’impression de mener une vie comme les personnes valides ?Dorine Bourneton. A 46 ans, j’ai l’impression de mener une vie normale, mais ça a été un long chemin de réparer cette blessure que l’on a autour de soi. Perdre l’usage de ses jambes, c’est perdre l’usage de ses rêves. On se dit qu’il est impossible de se marier, de travailler, d’avoir des enfants, qu’il va falloir se battre pour aller le chercher. C’est un long chemin. J’ai une fille de 14 ans, elle appréhende l’idée de voler mais elle a ses propres passions.
Lenvol. Le 12 mai 1991, quatre personnes sont à bord d'un Piper, un petit avion de tourisme. La météo est mauvaise, l'avion se crashe dans une forêt de sapins sur le flanc du mont d'Alambre
Au Salon du Bourget, les pilotes sont aux ordres de Jupiter. Ce pourrait être une image, c’est une réalité. Le ballet des avions, chaque après-midi du 15 au 21 juin, est bel et bien réglé par Jupiter, le nom de code du directeur des vols. En fonction depuis 2005, Stéphane Pichenet appartient aussi à cette caste très fermée des pilotes d’essai, ceux qui testent les avions civils et militaires avant leur mise en service. Il est notamment un spécialiste des paraboles en apesanteur sur l’Airbus A310 de Novespace. Au Bourget, entouré d’une équipe d’une dizaine de personnes et d’un comité des sages, il vérifie que les pilotes de présentation ne mordent pas la ligne jaune. En fait, il y en a plusieurs avec une règle d’or ne pas survoler le public. La hauteur par rapport à la piste ne doit pas être inférieure à 100 mètres. En dessous, l’avion serait caché par la ligne des chalets. Et le mur virtuel à respecter formellement est la limite avec la zone de l’aéroport de Roissy-CDG, dont une ou deux pistes peuvent être fermées quelques minutes, le temps à la Patrouille de France ou à certains avions de ligne comme le Boeing 787 Dreamliner d’évoluer. L’Airbus A380 dans un mouchoir La présentation de l’Airbus A380 se déroule, elle, dans le volume intermédiaire, un mouchoir de poche grâce à l’aptitude du quadriréacteur à évoluer en sécurité aux basses vitesses avec ses commandes électriques de vol », explique Claude Lelaie, qui fut avec Jacques Rosay au manche du très gros porteur lors du premier vol le 27 avril 2005 à Toulouse. Lelaie, qui pourrait inscrire sur son carnet de vol 180 présentations des Airbus, tous modèles confondus, sillonne ainsi le ciel francilien les années impaires, au rythme de la biennale du Bourget, depuis 1979. Il faut savoir choisir les évolutions, éviter celles qui feraient peur au public. Le travail en équipage est essentiel. Le mécanicien navigant gère les moteurs et l’autre pilote dirige la trajectoire quand l’avion vire de son côté », ajoute Lelaie, qui a quitté les commandes pour le comité des sages. Il peut désormais être amené à donner une appréciation sur la prestation de l’un de ses pairs s’il y a un doute sur la sécurité des vols. Pour en juger, la Direction générale de l’armement met à disposition un outil précieux le radar de trajectographie. Il permet d’enregistrer la présentation au mètre près. Mais un seul avion peut être suivi en même temps. Si le pilote n’est pas resté dans les clous, un rappel à l’ordre lui sera fait par Jupiter le lendemain matin lors du briefing. S’il y a récidive, la présentation pourra être annulée. Mais ce cas reste exceptionnel. Chaque pilote doit d’ailleurs avant le début du salon faire valider sa prestation en vol par Jupiter et s’y conformer ensuite. Au Bourget cette l’année, l’Airbus A380 est présenté par Christophe Cail et Michel Bonnifet tandis que l’A350, venu faire un bref passage il y a deux ans, réalisera une prestation complète aux mains de Hugues Van Der Stichel et Malcom Ridley. Rafale et Falcon Grand gaillard à la barbe blanche, officier de marine avant d’entrer chez Dassault Aviation, Yves Kerhervé est aussi un monstre sacré de la présentation en vol au Bourget depuis 1987. Bill », c’est son surnom dans les milieux aéronautiques, est un des rares pilotes d’essai dans le monde à avoir certifié à la fois un avion militaire et un avion civil. On lui doit, entre autres, le premier appontage du Rafale sur le porte-avions Foch en 1993 et le premier vol, il y a dix ans, de l’avion d’affaires Falcon 7X. Une présentation d’avion militaire demande une douzaine d’entraînements avant le salon, plus que pour un avion civil. Comme en patinage artistique, il y a des figures imposées pour démontrer la manœuvrabilité et les performances de l’appareil », explique Yves Kerhervé. Sur Rafale comme sur Falcon, les commandes électriques donnent l’assurance de ne jamais sortir du domaine de vol. On peut tirer sur le manche sans risque. » Bill n'a jamais connu de panne qui l'ait amené à raccourcir un vol de présentation, mais il a dû parfois modifier son programme pour rester en dessous des nuages, voire regagner le sol. Cette année, Dassault Aviation présente lundi le Falcon 8X, un grand frère du F 7X, avec Éric Gérard et Hervé Laverne aux commandes qui sont aussi des habitués des salons en avion civil ou militaire. 90 meetings par an pour Tao C’est un officier de l’armée de l’air qui vole au Bourget sur le Rafale. Il est devenu d’usage que le constructeur délègue à l’utilisateur cette présentation publique, tandis que les démonstrations destinées aux futurs clients sont réalisées par les pilotes d’essai de Dassault Aviation à huis clos dans des espaces aériens réservés. Tao, c’est le nom de guerre de Benoît Planche, capitaine de 38 ans, succède depuis 2013 à Michaël Brocard, le précédent pilote de présentation de l’armée de l’air, devenu son coach avec lequel il débriefe tous les vols. Il convoie aussi en meeting le deuxième Rafale susceptible de servir d’avion de secours en cas de problème technique. Chef de patrouille, presque 1 500 heures sur Rafale, 25 missions de guerre, Tao participait à la patrouille de huit Rafale qui décolla le 19 mars 2011 de Saint-Dizier pour détruire des engins blindés en Libye. Une mission de 6 h 30 qui a nécessité cinq ravitaillements en vol. Dans le ciel du Bourget, Tao prévoit, au choix des nuages, deux présentations d’une dizaine de minutes. L’une, dite de beau temps, l’autorise à voler à 500 mètres de hauteur. En cas de mauvais temps, il faudra rester à moins de 300 mètres. La manœuvrabilité de l’avion, dans le cas d’un combat rapproché, est valorisée, mais on ne peut pas montrer ici les différents systèmes d’armes dont il dispose », explique celui qui réalise bon an mal an 90 présentations lors des meetings et des salons internationaux. Le public pourra rencontrer les pilotes de démonstrations du ministère de la Défense et les pilotes de la Patrouille de France les samedi 20 et dimanche 21 juin, sur le stand armée de l’air entre 16 h 45 et 17 h 30. Un Canadair au feu La très basse altitude, c’est la spécialité des Canadair de la Sécurité civile qui s’efforcent de passer aussi bas que possible pour larguer 5 000 litres de liquide sur les feux de forêt. Spectaculaire, une démonstration de neutralisation de fumigènes est prévue sur la pelouse au Bourget, du côté opposé de la piste par rapport aux spectateurs… Aux commandes, Christian Mafré est un ancien de l’armée de l’air qui vola 16 ans en Mirage F1 et en Mirage 2000. Pendant ses loisirs, il pilote un Yak 18 de la collection Aérorétro à Saint-Rambert-d’Albon. Au Bourget, il est secondé sur le Canadair par Frédéric Baltens, issu de la filière aviation d’affaires. Voltige sans les jambes La présentation la plus émouvante est certainement celle de Dorine Bourneton. Handicapée après un accident d’avion, elle a réussi à surmonter les difficultés plus administratives que médicales pour devenir pilote privée sur des avions adaptés à la paralysie de ses jambes. Un malonnier », un palonnier qui se manœuvre à la main, commande la gouverne de direction. Dorine raconte son parcours dans Au-dessus des nuages..., qui vient de paraître aux éditions Robert Laffont. Un film lui a été consacré, programmé sur Planète+ jeudi 25 juin à 22 h 20 et mercredi 1er juillet à 20 h 45. Huit cents heures de vol plus tard, Dorine, qui avait déjà été autorisée à effectuer une présentation au Bourget avec une patrouille d’avions pilotés par des handicapés, propose cette année une séance de voltige en Cap 10. La dérogation médicale ne l’autorise pour l’instant qu’à effectuer des figures simples dites du 1er cycle sans accélération négative. Ce sera une voltige très coulée à l’ancienne », explique-t-elle, un peu stressée par la validation préalable de son programme par Jupiter. Le pilotage en voltige repose sur la coordination des membres actionnant le manche, la manette des gaz et le palonnier. Une prouesse dans son cas Il faut savoir anticiper, réduire les gaz, changer de main au manche et actionner le malonnier avec l’autre »,montre Dorine. Saluée par 40 000 spectateurs, elle avait déjà réalisé sa présentation au meeting de La Ferté-Alais lors du week-end de la Pentecôte, mais était alors accompagnée par un instructeur comme pilote de sécurité. Au Bourget, elle volera de ses propres ailes en solo. Meeting au pied du bureau Certains vivent dans des maisons les pieds dans l’eau. Catherine Maunoury, elle, travaille dans un bureau au bord du ciel ». La directrice du musée de l’Air et de l’Espace n’a en effet que quelques mètres à parcourir pour rejoindre le tarmac où stationne son avion de voltige. Tous les jours, la double championne du monde anime le ciel du Bourget. Son deuxième titre avait été acquis à Muret près de Toulouse en 2000. Et cet été les championnats du monde de voltige aérienne reviennent en France du 20 au 29 août à Châteauroux.
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